Apple a toujours fait figure de précurseur. Ordinateur, musique, smartphone, tablette... voilà plus de trois décennies que, du Mac à l'iPad en passant par iTunes, la firme à la pomme fait et défait les modes.
Le groupe a à nouveau fait les choses en grand, mardi 30 avril, en signant le plus gros emprunt de tous les temps pour une société non financière : 17 milliards de dollars (13 milliards d'euros) d'obligations ! Afin d'effectuer la plus grosse opération de reversement de "cash" de l'histoire : Apple compte distribuer 100 milliards de dollars d'ici à 2015 à ses actionnaires, en augmentant son dividende et en multipliant par six les rachats d'actions. Le but de la manoeuvre : tenter de faire remonter le cours d'un titre qui a perdu près de 300 dollars en quelques mois.
Raison mathématique
Mais les rachats d'actions ont-ils vraiment un impact sur le cours de Bourse ? Sur le papier, les arguments ne manquent pas en faveur de ces opérations. D'abord parce qu'elles adressent un message positif aux actionnaires : "Si les dirigeants sont prêts à racheter leurs propres actions, c'est que le prix est attractif", résume Leslie Griffe de Malval, analyste au cabinet Fourpoints.
Ensuite, pour une raison mathématique. L'opération est généralement suivie de l'annulation des actions rachetées. Le nombre d'actions de la société diminuant, le bénéfice par action – critère essentiel de la valeur d'un groupe coté – augmente. Cela profite mécaniquement à la capitalisation. L'action Apple a d'ailleurs gagné plus de 5 % à ces annonces.
Voilà pour la théorie. Dans la pratique, les rachats d'actions sont loin de constituer systématiquement un signal rassurant pour les marchés sur le long terme. Redistribuer aux actionnaires les bénéfices accumulés trimestre après trimestre revient parfois à avouer son absence de stratégie.
En la matière, Apple est un cas d'école : le groupe, qui enchaîne depuis le début des années 2000 les records de vente et de bénéfices, dispose d'une énorme trésorerie de 145 milliards de dollars. Mais la mécanique semble cassée. "Ce rachat d'actions est un mouvement ultradéfensif. Cela fait dix-huit mois que le groupe n'a plus rien à dire", déplore Virginie Lazès, chez Bryan Garnier.
AUCUN PROJET D'ENVERGURE
Octobre 2011 marque le décès de Steve Jobs, le génial fondateur. Depuis, les lancements se suivent sans plus étonner. Un iPhone 5 plus grand, un iPad plus petit, l'iPad mini... Aucun projet de nature à rallumer la flamme dans les yeux des fans. Ni pour les inciter à casser leur tirelire : vendus moins chers, les nouveaux produits ne dopent plus les résultats. La télévision ou la montre Apple restent à l'état de spéculations. Même la sortie du nouvel iPhone, prévue en juin, se fait attendre...
Conséquence : entre janvier et mars, le bénéfice net a reculé pour la première fois depuis 2003. A sa décharge, même diminués, la croissance et les marges du groupe feraient pâlir d'envie bien des multinationales. Quant au cours, il dépasse encore les 400 dollars. "L'histoire boursière d'Apple s'est construite sur des chiffres tellement atypiques que cela ne pouvait pas durer. L'entreprise est en train de devenir normale", estime Mme Lazès.
Tristement normale. Car en plus de refléter son manque d'inspiration, le recours à l'emprunt relève d'une drôle de méthode. Apple l'a avoué sans ambages : il a privilégié le recours aux marchés plutôt que de puiser dans son impressionnante trésorerie pour des raisons... fiscales.
"Emprunter évite à Apple de payer la taxe sur les revenus rapatriés de l'étranger, qui lui coûterait quelque 30 milliards de dollars", calcule M. Griffe de Malval. Saine gestion, certes. Mais piètre signal pour l'image du groupe, à l'heure où les politiques clouent au pilori l'optimisation fiscale !